Jean-Louis Comolli

Resumé: L’une des dimensions majeures de la Cinématographie, dès les frères Lumière, a été le fait de l’enregistrement du mouvement. Non pas seulement voir le monde en mouvement, mais enregistrer le mouvement du monde, qu’il ait été vu ou pas. Le “graphe” de Cinématographe a disparu depuis bien des années. On parle partout de “cinéma”. Pourtant, le “graphein” (écrire, graver) complète le “skopein” (voir, regarder). Le complète et le dépasse. C’est de ce dépassement du champ visible par l’enregistrement même de ce champ que je souhaite parler. L’étude attentive des premiers films, une longue pratique du cinéma documentaire, mais aussi la vision et re-vision de nombre de films de fiction m’ont convaincu que la puissance du cinéma, encore intacte aujourd’hui, tenait aux capacités d’enregistrement de la machine-caméra, qui traite directement avec le temps (les durées) et avec les données et les limites du monde visible (en le cadrant). Le cinéma a enregistré et enregistre toujours un état contemporain du monde, et cet enregistrement révèle des aspects inattendus, des fragments de réel qui n’avaient pas été prévus, qui n’étaient pas attendus, qui étaient illisibles au moment même et qui deviennent, des années plus tard, des événements pleins de sens. La place du spectateur, aujourd’hui, est directement affectée par ce “supplément” enregistré puis montré. J’ai prévu de projeter quelques citations de films pour appuyer mon propos.

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